L'Incendie de Copenhague by Gilles Lapouge

Auteur:Gilles Lapouge [Lapouge, Gilles]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

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On se hissa jusqu’à la cabane des chasseurs. Les palefreniers dénichèrent dans la souillarde des débris de meubles. Ils bâtirent un feu. Des tours de garde furent désignés mais on s’agita longtemps dans les fourrures. On pensait moins aux pistolets et aux poignards qui peut-être approchaient qu’à l’horreur dont Jørgen avait été le témoin, ces yeux blancs, ces yeux rouges, l’infamie…

Un peu avant l’aube, un des palefreniers éternua et réveilla son voisin qui était le gendarme Wamberg. Il dit d’une voix pâteuse que le cheval avait fait son crottin et puis qu’on l’avait égorgé. Ce cheval était un imbécile. Il aurait pu s’épargner la corvée de ce crottin, c’était du luxe, il n’avait plus que quelques heures et il avait gaspillé plusieurs minutes à faire une crotte qui ne lui servirait plus à rien. Le gendarme Wamberg n’apprécia pas. Il enfonça la tête dans ses frusques en bougonnant, puis il sortit le nez et dit que ce cheval était consciencieux, voilà tout, et il eut un rire absurde.

Jørgen poussa un coup de gueule : on avait bon besoin de se refaire car demain la journée serait rude, mais Vieux Gunnarr s’était assis dans sa couche de feuilles mortes. Il avait envie de parler. Il raconta que, dans les temps héroïques, l’Islande ne se contentait pas d’égorger les chevaux. Elle pratiquait les sacrifices humains. Les bourreaux cassaient les reins de leurs victimes à coups de massue et contemplaient leur agonie. Le gendarme Wamberg écarta sa fourrure et dit que tout ça était fini, le christianisme était passé par là, Dieu merci, Christ merci, mais Vieux Gunnarr était lancé. Il fit un long discours.

– Parce que tu crois, mon gendarme, tu crois que Thor et le loup Freyrir qui est un grand vaurien, soit dit en passant, et Oddin et toute la clique ont déménagé le jour où les papistes ont débarqué dans le coin ? Tu te mets le doigt dans ton œil de gendarmes, Wamberg. Je sais, je sais, tu n’es pas seulement un gendarme. Tu es aussi un Danois, ça n’améliore pas ton cas, mais il n’y a pas de déshonneur à être danois, il en faut des Danois puisqu’il y a un pays qui s’appelle le Danemark, il faut bien le peupler, ce pays, tu comprends, Wamberg !

– J’entends rien. Je veux rien entendre.

– Alors, ouvre tes oreilles, Wamberg, parce que je vais te dire : ils se sont camouflés, les dieux, ils font le mort, comme des bousiers, comme les scarabées. Ils sont toujours là mais on ne les voit pas. Ce sont des anguilles, des fumées, ce sont des loutres. Des rusés Des insaisissables. Des invisibles. Tu ne peux pas pénétrer ces choses-là, Wamberg. Ouvre les oreilles : ici, les criminels, on les frappe de proscription. Ça veut dire que n’importe qui a le devoir et le droit de les abattre. Alors, qu’est-ce qu’ils font, les criminels ? Ils se sauvent dans les déserts, dans les glaciers. Et ils vivent là des dizaines d’années. Personne ne les aperçoit mais ils sont là, comme des ours.

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